- DINARIDES
- DINARIDESLes Dinarides, qui doivent leur nom au mont Dinara (1 830 m), en Croatie, correspondent à la partie principale de la péninsule balkanique en façade des mers Adriatique et Ionienne, c’est-à-dire à l’ancienne Yougoslavie, à l’Albanie et à la Grèce (fig. 1).Du point de vue géographique, les Dinarides forment un ensemble montagneux d’altitude moyenne, mais pourtant difficilement pénétrable en raison de la complexité de son relief. De la sorte, les particularismes ethniques y sont très forts, tout comme la diversité des paysages.Du point de vue géologique, les Dinarides se divisent en deux parties de part et d’autre de la «transversale de Scutari-Pec» située dans le nord de l’Albanie: au nord sont les Dinarides au sens strict, dites parfois Alpes Dinariques, qui s’étendent donc sur l’Albanie septentrionale et l’ancienne Yougoslavie moins la Macédoine ; au sud sont les Hellénides, qui se développent dans le reste de l’Albanie, la Macédoine yougoslave et la Grèce (d’où leur nom).1. Caractères générauxLes Dinarides forment un ensemble montagneux d’une altitude moyenne de 2 000 mètres avec, toutefois, quelques massifs plus élevés, le point culminant étant l’Olympe (2 917 m), en Thessalie grecque.On peut y distinguer trois sortes de montagnes:– Des montagnes calcaires occupent la façade adriatique et ionienne: nombreuses y sont les grottes, comme celles de Postonja en Slovénie, les plus grandes d’Europe, et les dépressions karstiques, comme les polje de Livno, en Bosnie, du Popovo, en Herzégovine, ou de Cetinje, dans le Monténégro. À ce relief karstique qui doit son nom au Karst, ou Carso, en Slovénie, sont liés des souvenirs fort anciens: ainsi le mythe du tonneau des Danaïdes s’applique-t-il à la plaine d’Argos, où les eaux se perdent dans le sous-sol, tandis que le marais de Lerne et le lac Stymphale, au bord desquels Hercule s’illustra, occupent des dépressions karstiques.– Des montagnes de roches basiques (essentiellement des serpentines appartenant au cortège des ophiolites, de couleur sombre) couvrent toute la partie nord-est de l’ancienne Yougoslavie depuis Zagreb jusqu’à la frontière albanaise et, de là, en Albanie intérieure, puis en Grèce du Nord.– Des montagnes de roches cristallines et de schistes anciens forment de nombreux affleurements dans la partie nord-est de l’ancienne Yougoslavie et s’individualisent plus au sud en un massif de Macédoine, un massif de Thessalie et un massif d’Attique et des Cyclades.À cela s’ajoutent les reliefs dus au volcanisme récent; importants en Serbie et en Macédoine, ils constituent un arc d’îles volcaniques qui court du golfe d’Athènes à la côte turque, par Milos et Thira (Santorin).Des plaines intérieures très planes, formées au cours de l’histoire géologique récente, se rencontrent partout. C’est en Grèce que ce type de relief s’accomplit le mieux: les plaines de Macédoine, de Thessalie, de Béotie, de Laconie y ont été le cadre des civilisations antiques. Des lacs, résidus de nappes d’eau plus anciennes, occupent certaines d’entre elles: ceux de Scutari, d’Ohrid et Prespa sur les confins du Monténégro, de l’Albanie et de la Macédoine sont les plus connus.Le réseau hydrographique se divise en trois parties:– Le bassin de la mer Noire, avec le réseau du Danube, est le plus important; il comprend: la Drave qui, venant d’Autriche, fait la frontière entre le bassin pannonique proprement dit et sa partie méridionale qu’on rattache aux Dinarides (Slavonie); la Save née en Slovénie et ses affluents en Croatie et Bosnie; la Morava en Serbie.– Le bassin de la mer Égée comporte des fleuves de moindre importance comme le Vardar ou Axios, la Vistritsa ou Haliakmon en Macédoine, le Pénée en Thessalie.– Le réseau de l’Adriatique est formé de fleuves côtiers très courts comme le Drin et la Vojusa en Albanie, l’Acheloos ou Aspropotamos en Grèce, le Neretva en Bosnie-Herzégovine.Les côtes sont partout hautes sauf dans l’ouest de l’Albanie. Ce ne sont que caps, séparant des baies très encastrées, et archipels: ceux des îles Ioniennes à l’ouest, des Sporades, des Cyclades, du Dodécanèse à l’est, dans la mer Égée, sont les plus connus. La côte dalmate, très particulière avec ses rangs d’îles allongées et parallèles, résulte de la submersion récente d’une région plissée, ainsi qu’en témoignent par ailleurs les estuaires encaissés tels que ceux de la Krka, de la Cetina ou encore les baies profondes comme celle de Kotor, qui dessine un rentrant de 40 kilomètres à l’intérieur des terres.Le climat est continental dans la plus grande partie, avec des hivers très rigoureux lorsque soufflent les vents du nord-est (Košava et Bora) et des étés très chauds. Seules les franges côtières ont un climat méditerranéen aux étés secs et aux hivers relativement pluvieux. Ces climats sont évidemment modifiés par l’altitude et de nombreuses régions ont, en fait, un climat montagnard.La végétation, méditerranéenne sur les franges littorales, de l’Istrie au Péloponnèse, passe rapidement vers l’intérieur à un type plus humide, les précipitations s’accumulant sur les reliefs: les vastes forêts du nord, dont les plus profondes sont celles de Slovénie et de Slavonie, restent très étendues en Croatie (l’opposition la plus nette avec la frange littorale dénudée se situe au niveau de Velebit); plus au sud, elles se fragmentent, mais demeurent bien développées dans les chaînes de montagnes de l’ancienne Yougoslavie centrale et méridionale, d’Albanie et de Grèce, jusque dans le Péloponnèse; les îles de l’Égée, sauf le Dodécanèse, sont plus nues.2. GéologieLes HellénidesLes Hellénides sont la partie la mieux connue des Dinarides. Elles forment une chaîne symétrique de l’Apennin par-delà la zone d’Apulie , qui sert d’avant-pays commun aux deux chaînes dont les structures se font face. Partant de l’avant-pays d’Apulie, plate-forme de calcaires récifaux pendant tout le Secondaire et le Tertiaire, et allant vers le nord-est, c’est-à-dire de l’extérieur vers l’intérieur des Hellénides, on rencontre successivement: la zone ionienne, la zone de Gavrovo, la zone du Pinde, la zone du Parnasse, la zone pélagonienne, la zone du Vardar, le massif serbo-macédonien (fig. 2 et 3).La zone ionienne est caractérisée par des calcaires siliceux en dalles jusqu’à l’Éocène moyen, surmontés des grès et marnes du flysch jusqu’au Miocène inférieur; elle passe en transition à la zone d’Apulie par la sous-zone préapulienne ; elle forme de vastes écailles chevauchantes vers le sud-ouest et paraît être charriée dans son ensemble sur la zone préapulienne. En Égée, la zone ionienne devient métamorphique, notamment en Crète, où elle prend le nom de zone de l’Ida ; les calcaires du Taygète, en Péloponnèse, appartiennent déjà à la zone de l’Ida.La zone du Gavrovo (zone de Kruja en Albanie) est caractérisée par une sédimentation calcaire récifale du Trias à l’Éocène moyen, surmontée par un flysch d’âge éocène supérieur-oligocène; faiblement déformée par des plis à grand rayon de courbure, elle forme un chapelet de massifs à l’avant de la nappe du Pinde en Albanie et en Grèce continentale, et affleure en fenêtre sous celle-ci dans le Péloponnèse (zone de Tripolitsa) et en Crète, où elle constitue les principaux massifs de l’île. Dès le Péloponnèse, et plus encore en Crète, la zone du Gavrovo est charriée sur la zone ionienne par un cisaillement plat qui recoupe toutes les structures.La zone du Pinde (zone de Krasta en Albanie) est caractérisée par une série siliceuse de radiolarites et de calcaires en dalles, du Trias supérieur au Crétacé supérieur, surmontée de flysch jusqu’à l’Éocène moyen; divisée elle-même par de nombreux chevauchements, elle forme une vaste nappe de couverture, charriée sur la zone du Gavrovo sur une distance qui dépasse 100 kilomètres, comme en témoignent les fenêtres du Péloponnèse où elle prend tout son développement; plus au sud, on ne la retrouve que sous forme de lambeaux de petite taille perchés dans les hauts massifs de Crète et des îles du Dodécanèse méridional; plus au nord, elle s’infléchit axialement le long de la «transversale du Kastaniotikos», passe sous la nappe subpélagonienne et ne représente plus qu’un mince liseré d’écailles au front de celle-ci, dans le Pinde septentrional et, de là, en Albanie où, en outre, elle réapparaît en fenêtre dans le massif du Cukali, le long de la transversale de Scutari-Pec.La zone du Parnasse forme une sorte d’amygdale limitée au massif du Parnasse lui-même et au nord de l’Argolide ; vers le nord, le long de la «transversale du Sperchios», elle plonge axialement sous la nappe subpélagonienne; vers le sud, elle se termine axialement en Argolide moyenne; elle est caractérisée par une série de calcaires récifaux du Trias au Crétacé supérieur, qui lui assigne la valeur d’un haut-fond ayant émergé à certaines époques pendant lesquelles se sont formées des bauxites (Jurassique supérieur, Crétacé moyen); elle est surmontée par un flysch peu puissant, parfois légèrement discordant, d’âge éocène inférieur et moyen; de tectonique relativement rigide, la zone du Parnasse chevauche la zone du Pinde sur laquelle elle repose.La zone pélagonienne montre son socle à l’affleurement, dans le massif de Macédoine, le massif de Thessalie et le massif d’Attique-Cyclades, séparés respectivement par l’ensellement de Kozani et l’ensellement de l’Eubée moyenne où la couverture sédimentaire secondaire est conservée; on y reconnaît, au-dessus d’une série de calcaires récifaux du Trias et du Jurassique, de vastes complexes ophiolitiques d’âge jurassique supérieur, associées à des radiolarites, le tout étant recouvert en discordance et transgression par un Crétacé supérieur de faciès récifal auquel succède un flysch à la fin du Crétacé.La marge externe de la zone pélagonienne, en transition suivant les cas avec le sillon du Pinde ou avec la zone du Parnasse, est connue sous le nom de sous-zone subpélagonienne : caractérisée par la puissance des complexes ophiolitiques parfois épais de plusieurs kilomètres, on y reconnaît la même succession d’événements, notamment la transgression du Crétacé supérieur et l’apparition du flysch à la fin du Crétacé. La série subpélagonienne forme une vaste nappe de charriage qui vient recouvrir la zone du Parnasse qu’elle déborde en Grèce moyenne (transversale de Sperchios), puis la nappe du Pinde qu’elle déborde à son tour en Grèce du Nord et en Albanie (transversale de Kastaniotikos) pour former la puissante nappe ophiolitique du Pinde septentrional en Grèce (Smoléka, 2 632 m) et de la Mirdita en Albanie. La portée du chevauchement est considérable, égale à la largeur du Pinde (100 km) augmentée de la partie de celui-ci qui est elle-même chevauchée (100 km), soit, au total, au moins 200 kilomètres. Elle est peut-être encore plus grande: en Albanie, dans le «couloir de Shen Gjerj», la série du Pinde supportant la nappe des ophiolites passe directement sous la zone pélagonienne; et sous celle-ci, dans le massif de l’Olympe, apparaissent en fenêtre des séries de calcaires qui s’apparentent à la zone du Gavrovo très externe.Au front de l’ensemble des nappes ophiolitiques se développent des unités de flysch béotien , d’âge crétacé, écho sédimentaire des phases tectoniques précoces qui affectent les zones les plus internes, et entraînées dans le charriage de celles-ci.La zone du Vardar a beaucoup des caractères de la zone pélagonienne: ophiolites d’âge jurassique supérieur, transgression du Crétacé supérieur à faciès récifal, flysch d’âge fini-crétacé; elle s’en distingue par la présence de formations flyschoïdes plus précoces, respectivement d’âge jurassique supérieur et crétacé moyen qui lui donnent la signification de zone anciennement tectonisée. Elle est débitée en un grand nombre d’écailles qui, dans leur ensemble, chevauchent la zone pélagonienne. Dans le détail, le massif calcaire du Paikon, qui affleure en son axe sous les ophiolites, est une fenêtre qui se rattache à la zone pélagonienne: la cicatrice ophiolitique du Vardar se limite donc à sa partie la plus orientale, les ophiolites les plus occidentales étant allochtones.Le massif serbo-macédonien , formé d’un socle précambrien et primaire, traversé de granites jurassiques, crétacés et tertiaires, chevauche vers le sud-ouest la zone du Vardar. Il appartient déjà à la chaîne du Balkan, dont il est séparé par la «ligne du Strymon», puissant décrochement par lequel les Dinarides s’avancent très largement vers le nord-ouest – c’est à cette famille de décrochements longitudinaux que les Dinarides doivent d’être venues chevaucher l’arc alpin à leur extrémité nord-ouest, pour donner les nappes de charriage des Alpes orientales, qui sont d’appartenance dinarique [cf. ALPES]. Ce décrochement est compressif et le massif serbo-macédonien chevauche ainsi vers le nord-est les autres zones balkaniques; d’une certaine manière, il a une structure «en fleur» [cf. FAILLES].Au-delà, vers le nord-est, vient le massif du Rhodope, partie intégrante de la chaîne du Balkan, dont l’histoire est liée à celle des Dinarides. Longtemps considéré comme formé d’un socle précambrien passif dans l’histoire alpine, une grande partie des terrains qui le constituent sont en fait d’âge mésozoïque et ont été tectonisés et métamorphisés durant cette période en une série d’unités à déformation ductile de vergence sud - sud-ouest. Par ces phases précoces, il se rattache ainsi aux zones internes métamorphiques des Dinarides. Ce n’est qu’avec la tectonique tertiaire qu’il sera cisaillé vers le nord avec l’ensemble des structures de la chaîne du Balkan, à laquelle il est alors clairement incorporé.L’ensemble du dispositif (fig. 3 a) peut se comprendre à partir de la marge continentale apulienne, dépendance de l’Afrique, avec la plate-forme d’Apulie, la zone ionienne correspondant à la marge proprement dite frangée par la zone récifale du Gavrovo (un peu à la manière de la Grande Barrière d’Australie); la mer marginale du Pinde ; l’arc insulaire pélagonien (à la manière, par exemple, de la Nouvelle-Calédonie); l’océan téthysien proprement dit, dont la zone du Vardar est la cicatrice. Tandis que le massif serbo-macédonien marque le bord du continent européen, dont la déformation donne naissance à la chaîne du Balkan.La formation des Hellénides s’est faite en plusieurs étapes: la première, d’âge jurassique supérieur, est marquée par la subduction de la Téthys, accompagnée de la formation de schistes bleus, datée de 140 Ma (fig. 3 a); la seconde, d’âge Crétacé-Tertiaire, marquée par la subduction de la mer marginale du Pinde, également accompagnée de la formation de schistes bleus, datée de 45 Ma en Égée (fig. 3 b).La formation des Hellénides peut ainsi se comprendre à partir d’un cadre paléogéographique dont les arcs insulaires du sud-ouest du Pacifique donnent l’exemple.À cette paléogéographie, caractéristique de la tectonique des Hellénides, succèdent (fig. 2):– une paléogéographie tarditectonique dont les éléments sont successivement, de l’intérieur vers l’extérieur: l’arrière-fosse du Vardar caractérisée par des molasses d’âge éocène supérieur-oligocène, discordantes sur les terrains antérieurs; l’intra-fosse albano-thessalienne superposée à la zone subpélagonienne, caractérisée par des molasses, d’âge éocène supérieur à miocène, puissantes (jusqu’à 7 000 m); l’intra-fosse albano-ionienne caractérisée par des molasses d’âge miocène moyen à supérieur; l’avant-fosse italo-dinarique, remplie de molasses miocènes et qui, prenant la péninsule italienne en écharpe, est l’avant-fosse commune à l’Apennin et aux Dinarides [cf. APENNIN];– un cadre néotectonique , caractérisé par des effondrements et des surrections à la fin du Miocène et pendant le Pliocène et le Quaternaire, suivant un réseau de failles dont les deux directions sont nord-est - sud-ouest et nord-ouest - sud-est; on lui doit les plaines intérieures comme celles de Thessalie et de Macédoine, et, d’une façon plus générale, les effondrements ioniens et égéens qui dessinent la forme des côtes de la Grèce et de l’Albanie.La subduction des espaces téthysien (Vardar) et pindique a été accompagnée: de la formation de schistes bleus d’âge jurassique supérieur (140 Ma) et Éocène (45 Ma); d’intrusions de granodiorites et de volcanisme trachyandésitique, au Jurassique supérieur, dans le massif serbo-macédonien, du Crétacé supérieur au Miocène, dans l’ensemble du Balkan, c’est-à-dire dans la marge du continent européen augmentée des zones internes des Hellénides après la subduction de la Téthys (Vardar) achevée au Jurassique supérieur.Les Dinarides «stricto sensu»Étant donné qu’en Albanie la zone préapulienne et la zone ionienne s’infléchissent axialement et passent sous la mer Adriatique, la première zone qu’on rencontre est la zone du Gavrovo , qui constitue le littoral dalmate ; on lui donne d’ailleurs le nom de zone dalmate .La zone du Pinde forme une série d’écailles qui chevauchent la zone dalmate; elle est limitée au littoral monténégrin où elle prend le nom de zone de Budva et disparaît plus au nord sous le chevauchement de la zone du Karst.La zone du Karst est l’homologue de la zone du Parnasse dont elle a la série stratigraphique, y compris les niveaux de bauxite largement exploités au Monténégro et en Herzégovine; elle chevauche la zone du Pinde sur le littoral monténégrin, puis, après cicatrisation de celle-ci, la zone dalmate, avant, semble-t-il, de s’enraciner plus au nord; cette identité de la zone de Karst avec la zone du Parnasse pose le problème de l’éventuel raccord de ces deux zones «en tunnel» sous la nappe subpélagonienne.La zone du Karst est frangée continûment d’une sous-zone prékarstique , talus de la marge continentale apulienne (c’est-à-dire africaine); au-delà, vers le nord-est, commence le domaine océanique téthysien dont la tectonisation, précoce, commence avec le Jurassique supérieur. La zone bosniaque correspond aux flyschs crétacés, équivalents du flysch béotien, conséquence sédimentaire de ces phases précoces. La zone serbe a pour substratum les ophiolites jurassiques, croûte océanique du domaine marginal. La zone de Golija , avec son socle paléozoïque directement transgressé par le Crétacé supérieur, est l’équivalent de la zone pélagonienne. L’ensemble de ces zones sont charriées vers le sud-ouest sur la zone du Karst, le dispositif tectonique étant ainsi comparable à celui des Hellénides au droit du Parnasse.Au-delà de la zone de Golija vient la zone du Vardar , qui, comme en Grèce, marque la cicatrice de l’océan téthysien.L’ensemble forme une série de nappes charriées vers le sud-ouest, sur la marge de la plate-forme apulienne: la nappe des flyschs bosniaques et la nappe ophiolitique serbe en sont les deux éléments principaux.C’est aux confins de la Serbie et du Monténégro qu’a été mise en évidence pour la première fois une importante phase tectonique précoce du Jurassique supérieur-Crétacé inférieur: il s’y forme une nappe de charriage dite «du Pešter» constituée des calcaires jurassiques et triasiques décollés de la zone de Golija et chevauchant sur les ophiolites de la zone serbe; ainsi se forment des «paléo-Dinarides» dont l’érosion a alimenté la sédimentation d’un flysch d’âge jurassique supérieur-crétacé inférieur dans la zone bosniaque; elles furent ensuite recouvertes par la transgression marine du Crétacé supérieur; ces faits ont été ensuite retrouvés dans les Hellénides (cf. supra ).On retrouve dans les Dinarides stricto sensu la succession des paléogéographies: tarditectonique , marquée par l’existence d’une arrière-fosse d’âge éocène-oligocène dont les terrains affleurent en bordure du bassin pannonique (Slavonie) dans le prolongement de l’arrière-fosse du Vardar, et d’une intra-fosse d’âge éocène supérieur-oligocène, développée sur les confins de la Croatie et de la Bosnie dans la série du mont Promina; néotectonique , caractérisée par l’effondrement de bassins plio-quaternaires dispersés dans toute la chaîne.Les mêmes phénomènes que dans les Hellénides sont associés à ces événements: métamorphisme de faciès schistes bleus dans la zone du Vardar ; granitisation jurassique dans le massif serbo-macédonien en liaison avec la subduction de la zone du Vardar; granites et volcanisme calco-alcalin Crétacé-Tertiaire dans toutes les zones internes en liaison avec la subduction du domaine serbe.Néanmoins, il n’y a pas prolongation exacte des structures des Hellénides dans celles des Dinarides stricto sensu : le long de la «transversale de Scutari-Pec», la zone du Karst plonge sous la nappe des ophiolites, qui se sont «désolidarisées» de leur substratum triasique et jurassique, et se sont avancées pour former la base du charriage de ce qui devient la nappe subpélagonienne. Cette transversale de Scutari-Pec est l’une des grandes transversales alpines du domaine méditerranéen.Le domaine égéenLe domaine égéen représente une partie originale des Hellénides en transition aux Taurides d’Asie Mineure: d’une certaine manière, si les Dinarides vont du revers sud des Alpes orientales à la transversale de Scutari-Pec , les Hellénides vont de cette dernière à la transversale d’Isparta en Asie Mineure. Les mêmes grandes unités s’y retrouvent, formant un complexe de nappes plus important encore que dans la péninsule balkanique: le massif d’Attique-Cyclades est formé de terrains métamorphiques appartenant aux zones les plus externes des Hellénides, zone du Gavrovo et zone ionienne ici métamorphisées, et dessine une vaste fenêtre allant de l’Attique en Grèce au massif de Menderes en Turquie par l’archipel des Cyclades.L’originalité tient à la complexité du domaine marginal qui séparait l’Europe de l’Afrique au sud de la Téthys. Aujourd’hui encore, un reste de croûte océanique achève d’être subducté sous l’arc égéen, dans une situation de très proche collision avec l’Afrique. De là, résultent: la forme de l’arc égéen en un double alignement d’îles, l’un, externe, non volcanique, passant par la Crète, l’autre, interne, volcanique, allant de Poros à Nisiros, par Milos et Santorin (Thira); la séismicité de la mer Égée, avec ses foyers de profondeur intermédiaire (jusqu’à 200 km); l’extension généralisée dans la mer Égée, qui a débuté par un cisaillement crustal à pendage nord-est responsable de la remontée des séries métamorphiques de la fenêtre d’Attique-Cyclades et de la formation de la mer de Crète, suivi de la création de son réseau d’îles dessiné par un réseau de failles nord-est - sud-ouest et nord-ouest - sud-est.3. Régions naturellesÀ leurs limites, les Dinarides font transition avec les régions naturelles voisines (fig. 1). Dans le nord, la Slovénie est presque entièrement d’appartenance alpine: elle comprend en effet, essentiellement, les Alpes Juliennes dont les paysages de hauts sommets calcaires (Triglav, 2 863 m), dominant de vastes et profondes forêts de sapins, ne sont pas sans rappeler les paysages des Alpes Lombardes et Vénètes. Au nord-est, en bordure du bassin pannonique, des pays de collines de marnes et grès (oligocènes et miocènes) peuvent être rattachés aux Dinarides en fonction des terrains qui surgissent çà et là comme, par exemple, dans le petit massif de la Fruska Gora au nord-ouest de Belgrade; la région naturelle de Slavonie , entre les vallées de la Drave et de la Save, est la plus caractéristique à cet égard. Enfin, entre Dinarides et Carpates méridionales puis Balkan, existe un couloir déprimé emprunté par les vallées de la Morava, du Lepenac, qui appartiennent au réseau du Danube, puis du Vardar ou Axios qui se jette directement dans la Méditerranée; ce couloir, qui correspond essentiellement à la zone du Vardar, auquel se superposent des marnes et des grès d’âge oligocène et miocène, est la grande voie de communication entre le bassin pannonique et la mer Égée: les grandes routes et les voies de chemin de fer qui mènent d’Europe centrale en Grèce l’empruntent.S’agissant des Dinarides, on doit encore opposer d’une part les Hellénides plus méridionales et nettement péninsulaires et, de ce fait, ayant un aspect plus méditerranéen, aux Dinarides stricto sensu , dites aussi Alpes Dinariques, plus engagées dans l’Europe et qui n’ont plus qu’une façade méditerranéenne, le reste des paysages évoquant l’Europe centrale.Les DinaridesLes Dinarides stricto sensu ont une façade maritime le long de la mer Adriatique, de climat méditerranéen et de sous-sol essentiellement calcaire, de sorte que s’y développe dans d’excellentes conditions le relief karstique. Partout, la côte est abrupte et plus ou moins bordée d’îles parallèles, le tout correspondant à l’allongement des unités tectoniques dans le sens nord-ouest - sud-est. Plusieurs secteurs peuvent s’y séparer en fonction des unités géologiques; du nord au sud: en Istrie affleurent à la côte les calcaires de la zone dalmate, surmontés par les marnes et grès du flysch qui occupent le centre de la péninsule; au sud lui fait suite la côte du Velebit caractérisée par la plongée directe des calcaires du Karst dans la mer; vient ensuite la côte dalmate proprement dite qui correspond aux terrains de la zone dalmate, calcaires qui forment les caps, marnes et grès du flysch qui forment les baies: cette côte dalmate est particulièrement riante quand le flysch vient à la côte en avant du chevauchement de la zone du Karst, comme c’est le cas dans les régions célèbres de Makarska et Brela en Dalmatie centrale et de Dubrovnik en Dalmatie méridionale; vient enfin la Riviera monténégrine où les nombreuses écailles de la série stratigraphique de Budva, au bord même de la mer, s’opposent à celle-ci par les tonalités rouges des séries de radiolarites du Jurassique, donnant un paysage particulièrement pittoresque. Quelle que soit la latitude, passé la première barrière montagneuse, on accède à un pays karstique encore boisé au nord, en Croatie occidentale, et devenant pierreux, désertique vers le sud, en Herzégovine, où ce type de relief prend toute son expression en une sorte de désert de pierres, au Monténégro (Durmitor, 2 522 m) et en Albanie du Nord (Alpes Albanaises, Jezerce, 2 693 m).Vers l’intérieur des Dinarides, c’est-à-dire vers le nord-est, l’aspect change: en fonction du climat, qui devient alpin avec l’altitude et de plus en plus continental; en fonction aussi du sous-sol, constitué essentiellement d’ophiolites et de terrains cristallins, encore que les aspects karstiques abondent dans les zones calcaires intercalées. C’est un vaste pays de forêts séparées par de grandes prairies d’altitude où les touches glaciaires ne manquent pas; il s’étend: en Slovénie méridionale , où les grottes de Postonja sont célèbres; en Croatie du Nord-Est ; en Bosnie , qui s’oppose ainsi à l’Herzégovine; en Serbie méridionale , enfin, avec ses grands massifs de roches vertes dont celui du Zlatibor (1 544 m), ou de granite comme celui du Kapaonik (2 140 m), tous drapés de vastes forêts de sapins. Au-delà, vers le nord-est, on accède au pays des collines subpannoniques dont il a été question précédemment.Les HellénidesLes Hellénides occupent une position péninsulaire entre la mer Ionienne à l’ouest et la mer Égée à l’est; aussi leur façade maritime est-elle prépondérante et sous ces latitudes prend-elle l’aspect d’une côte méditerranéenne, ce qui en fait, concurremment avec la côte dalmate, un séjour de vacances privilégié. L’aspect des côtes, essentiellement dû à la tectonique plio-quaternaire, dépend de l’orientation par rapport à cette tectonique, de l’importance de celle-ci et enfin des terrains qui viennent au contact de la mer. La côte est de direction sub-longitudinale dans l’ouest, le long de la mer Ionienne, et d’autre part dans l’est, le long de la mer Égée; mais, partout ailleurs, elle est transversale, notamment dans le Péloponnèse et dans les archipels; étant entendu que son caractère longitudinal n’est que relatif sur les façades ionienne et égéenne de la Grèce. Presque partout, ces côtes sont hautes et plongent abruptement dans la mer sauf: en Albanie occidentale, bordée d’une plaine pliocène et quaternaire, plus ou moins marécageuse; dans l’ouest du Péloponnèse et dans la région de Thessalonique à l’embouchure du Vardar. Partout ailleurs, de puissantes falaises tombent directement dans la mer, type de côte particulièrement développé dans le sud du Péloponnèse et en Crète, dont la côte sud-ouest est sans doute une des plus abruptes de la Méditerranée. En fonction de l’allongement nord-ouest - sud-est des zones géologiques, la côte est surtout calcaire à l’ouest avec des baies déblayées dans les marnes et grès du flysch: tel est l’aspect du littoral de l’Albanie du Sud, de l’Épire, de l’Acarnanie, de la Messénie en bordure de la mer Ionienne; de la Laconie, de l’Argolide et de la Crète en bordure de la mer Égée. À l’est, les côtes peuvent être constituées d’ophiolites comme en Eubée, aux étranges plages de sable noir, ou de terrains cristallins cernés de belles plages de sable fin comme sur le revers est du massif de Thessalie ou encore dans les archipels des Cyclades et des Sporades.L’intérieur des Hellénides est plus montagneux, encore que très compartimenté par des plaines d’effondrement plio-quaternaires; les paysages y sont développés en bandes parallèles en fonction de la structure géologique. Dans l’ouest s’observe une alternance de chaînons calcaires souvent pelés, alternant avec les dépressions de flysch cultivées, allongées dans le sens nord-ouest - sud-est: tel est le paysage de l’Albanie méridionale, de l’Épire et de l’Acarnanie. Plus vers l’intérieur viennent les paysages du Pinde, de la zone du Gavrovo et du Parnasse. Partout, il s’agit d’une haute chaîne drapée de forêts de sapins jusque dans le Péloponnèse méridional: chaîne du Pinde proprement dite, en Grèce continentale, sur les confins de la Thessalie et de l’Épire (Kakarditsa, 2 429 m), en Évritanie et dans le Péloponnèse (Érimanthe ou Olonos, 2 230 m; Ziria, 2 380 m); massifs calcaires de la zone du Gavrovo apparaissant au front de la chaîne du Pinde, en Grèce continentale, ou en fenêtre sous celle-ci, dans le Péloponnèse (provinces d’Arcadie et Laconie) et en Crète (montagne Blanche ou Levka Ori, 2 452 m; Ida, 2 450 m; Dictea, 2 148 m); montagnes calcaires du Parnasse en Phokide (Parnasse, 2 410 m; Kiona, 2 512 m) et en Argolide septentrionale. Les paysages de sombres montagnes d’ophiolites couvertes de pins ou de sapins, suivant l’altitude, sont plus internes, c’est-à-dire situés plus au nord-est: l’Albanie intérieure, notamment dans la région de la Mirdita, le Pinde septentrional (Smolika, 2 574 m) en Macédoine occidentale, l’Othrys en Phthiotide, l’Eubée enfin en sont des jalons. À la limite nord-est viennent les paysages des terrains cristallins: soit de hautes montagnes comme dans le massif de Macédoine occidentale (Sar Planina, 2 510 m; Korab 2 760 m; Peristeri, 2 600 m) ou le massif de Thessalie (Olympe, 2 920 m, point culminant des Dinarides); soit de pays plus bas comme dans le massif d’Attique-Cyclades qui constitue le substratum de ces provinces, l’une continentale, l’autre insulaire, toutes deux célèbres dans l’histoire antique; dans ces terrains cristallins, les marbres ne manquent pas et sont exploités depuis l’Antiquité (marbres du Pentélique en Attique ou de Paros dans les Cyclades).Comme les grands ensembles montagneux de l’Europe, les Dinarides ont donc une unité que recoupent les différentes limites politiques nationales; en revanche, les limites des régions naturelles y sont, comme partout, beaucoup plus étroitement dépendantes de la géologie.
Encyclopédie Universelle. 2012.